Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Gustave Bidouille
14 décembre 2018

l'hippo bleu (extrait)

 

Cette histoire est présentée ici sans les dessins qui l'accompagnent normalement

 

1

 « Nicolas, arrête de gesticuler dans tous les sens, je risque de te blesser avec mes aiguilles. Et puis, tu aurais l’air d’un clown si je rate ton ourlet. »

 C’est plus fort que moi, je ne peux pas m’empêcher de battre la mesure avec mes pieds tout en fermant les yeux pour mieux entendre la musique dans ma tête. Alors forcément, pas facile pour Maman de prendre les mesures pour l’ourlet de mon costume. Il faut dire que je suis tellement content ; pour la première fois, cette année, je vais enfin intégrer le défilé du corso fleuri et pouvoir déambuler dans les rues de la ville avec ma caisse claire parmi les autres musiciens de la fanfare de la ville et les chars décorés. Trop content ! Des années que j’en rêve ! Aujourd’hui, j’ai douze ans. Et c’est l’âge auquel j’ai le droit de défiler. Trop cool. Depuis tout petit, tous les premiers dimanches de juin, j’allais avec Papa et Maman voir le défilé et les musiciens. Je n’aurais raté ça pour rien au monde. Même s’il pleuvait. Une année, il faisait tellement mauvais que le défilé a été annulé. J’ai beaucoup pleuré. Aujourd’hui, je ne pleurerai plus si c’était annulé, mais bon, je serai sacrément déçu quand même.

 Avec Maman hier, nous sommes allés chercher mon costume. La couturière m’a dit que j’avais des épaules musclées. C’est sûr que c’est du sport la caisse claire et le tambour. Et comme ça fait deux ans que j’en fais, forcément, ça muscle. En plus j’adore les percussions. A la maison, on en a plein. Avec papa, on joue souvent de la batterie, j’adore ça. Au début, je tapais super fort. Ca faisait du bruit, c’était comme si je tapais sur mes soucis de l’école pour les écrabouiller. Bon, j’ai usé comme ça quelques fûts en faisant des trous dedans. Je me suis dit que peut-être je pouvais essayer autrement. Alors, j’ai petit à petit appris à en jouer avec douceur. J’ai découvert comme ça tout un tas de sons, d’enchaînements qui me plaisent.

 Dans le défilé, avec nous, il y a des chars, bien sûr. Et aussi des majorettes Chaque année, elles ont des costumes différents mais toujours chatoyants (c’est un mot que j’ai appris à l’école, en feuilletant le dictionnaire et j’ai trouvé qu’il était joyeux, comme les costumes des majorettes). Cette année, Cerise portera leur costume bleu et blanc à paillettes.

 Cerise est dans ma classe. Nous sommes tous les deux nouveaux cette année au collège. Moi parce que j’ai déménagé du nord vers le sud de la ville. Cerise, elle venait de Bretagne. Madame Marin, notre professeur de français, est aussi notre professeure principale. Elle nous a placés l'un à côté de l'autre. Lorsque Cerise s’est assise, j’ai senti comme une boule de chaleur à l’intérieur de moi. Elle m’a regardé et c’est comme si ses yeux me disaient on est deux maintenant, on aura peut-être moins peur des autres.

 J’ai toujours eu l’impression de ne pas être comme les autres élèves de l'école. On dit de moi que je suis timide, rêveur. Moi je sais bien que c’est un peu vrai mais je ne comprends pas pourquoi c’est un problème. Bon timide, d’accord, je comprends. C’est vrai que des fois, j’ai une grosse boule dans la gorge quand je dois aller demander quelque chose à quelqu’un ou parler devant la classe. Mais rêver...moi j’adore. J’aime bien fermer les yeux quand Maman ou Papa me racontent des histoires. J’adore essayer de penser à la vie des gens que je croise dans la rue. C’est peut-être pour ça d’ailleurs que les gens me font un peu peur. Souvent je les vois faire des choses extraordinaires comme réparer un ascenceur en haut d’un building après l’avoir escaladé ; ou bien délivrer une girafe coincée dans un paquebot où elle s’était cachée pour ne pas être attrapée par des braconniers. Alors forcément, après, moi je me sens petit et pas très intéressant.

 Ce que je préfère, c’est écouter les oiseaux et imaginer ce qu’ils se racontent. Bien sûr, chez les oiseaux aussi, il y a des supers héros, mais ils sont plus petits et plus fragiles, alors je me sens plus proche d’eux. J’aime leurs chants le matin quand j’ouvre ma fenêtre. Je sais que le rossignol au printemps siffle en premier, ensuite j’écoute la mésange s'étirer et quand le merle chante, c’est qu’il est temps d'aller prendre mon petit déjeuner.

 J’adore aussi chercher dans le dictionnaire au hasard et me laisser porter par la musique des mots  : mirliton ; campanule, saperlipopette, wagon-lit…

 Forcément au collège, on me trouve parfois bizarre. J’ai bien compris que quand on n’est pas comme tout le monde, ça peut agacer certains. Pourquoi ? Je ne sais pas ? Il y a un garçon, Guillaume, qui avec sa bande, n’arrête pas de m’embêter ou de se moquer de moi. Moi, je n'aime pas me battre, alors, je ne dis rien. Je ne sais pas trop comment faire. Ils ne m’intéressent pas, alors je ne comprends pas pourquoi moi, je les intéresse. Même si je ne m’ennuie jamais, parfois pourtant, je me sens un peu seul.

 Alors l’arrivée de Cerise, pour moi, c’est comme si tous les livres que j’ai aimé lire s’étaient mis d’accord pour créer un personnage qui correspondrait à l’amie dont j’aurai pu rêver.

2

 Mr. Tonnerre, le responsable de la construction du char de la Roseraie, le quartier où j’habitais, m’avait proposé de l'appeler René. J’étais drôlement flatté et impressionné. C'était le vieux mécano qui avait construit tous les chars du quartier depuis vingt ans. Mon père participait à l'équipe qui réfléchissait au modèle de char et qui le bâtirait. Même si on avait déménagé, Papa avait décidé de rester dans leur équipe. Je le suivais presque tout le temps car je rêvais d'assister à la construction d'un char dès le début. Papa avait eu l’air super content que je veuille venir les aider.

  Toutes les nuits, je m'endormais des rêves plein la tête : fanfare immense, chars bariolés défilant sous le soleil, majorettes lançant leurs bâtons jusqu’aux étoiles.

 Ce soir, je n’arrive pas à dormir, je suis trop énervé . J’ai hâte à demain. Les gens qui s’occuperont de la construction du char vont tous voter pour choisir parmi leurs idées de char. C’est un moment que j’aime bien parce qu’on commence à imaginer le char, à deviner comment il sera. Des fois, je suis déçu car ils choisissent des chars que je n’aurai pas forcément choisi. Mais bon...

 Comme je n’arrête pas de tourner dans mon lit, je me lève et ouvre mon store. J’adore m’accouder sur le rebord de la fenêtre pour observer les étoiles. Des fois, j’ai l’impression qu’elles jouent à cache-cache à travers les branches du merisier. Je m’amuse à les chercher et à essayer de les reconnaître. Maman m’en a appris quelques unes. J’ai un peu le cou engourdi alors je décide de laisser mon store ouvert et retourne au lit. J’ai trouvé un truc super chouette : j’installe tous mes coussins dans mon dos, je mets mes couvertures sur mes jambes et ça me fait un canapé d’où je peux regarder dehors, assis confortablement. J’aime beaucoup ma chambre. De mon lit, je peux deviner les oiseaux dans les branches, regarder les arbres changer à chaque saison. C’est comme une cabane confortable au creux des arbres. Trop classe !

 Ce soir, la lune est toute ronde et bleutée. Quelques nuages lui tournent autour, Ce doit être le petit vent que je sentais tout à l’heure qui les fait bouger mais c’est bizarre, on dirait qu’ils dansent avec elle. Tout à coup, la lune me fait un clin d’œil. Je me redresse et me frotte les yeux. C’est quoi ce truc ! Pendant que je me frotte les yeux, j’entends une voix chaude et lointaine m'appeler doucement. C'est comme si la voix venait de derrière la fenêtre. Heu, là, j’ai cru que je devenais dingo, surtout que la voix s’est mise à m’appeler de nouveau. Elle était gaie, et passait dans mes oreilles comme une caresse. J’ai rouvert les yeux et …., incroyable !!…...Au-dessus du merisier un hippopotame bleu, aux yeux brillants me souriait et murmurait mon nom !

 J’ai failli avoir peur mais les yeux de l'animal brillaient intensément et sa bouche énorme m’a fait un doux sourire qui m’a rassuré aussitôt et m’a fait un bien fou.

 « Veux-tu découvrir les étoiles ? » me demanda soudain l'hippo. « Si tu le souhaites, je peux t'emmener, viens, n'aies pas peur ! ».

 Je bondis hors de mon lit et sans que je comprenne comment, je me suis retrouvé à califourchon sur son dos .

 « Je m'appelle Gontran, accroche-toi ! ». D'un battement d'ailes de nuage, on s'éloigna rapidement du jardin pour survoler la vallée. Trop dingue comme effet. Avec mes parents, j’étais déjà allé admirer la ville du haut de la colline. Mais l'observer du ciel rendait le paysage encore plus féerique. Les lumières de la ville se confondaient avec les étoiles sous lesquelles on virevoltait..J’avais l’impression d’être un oiseau. Sauf que je volais sur le dos d’un hippopotame, bleu en plus et que je trouvais ça génial.

 Quand les ailes de Gontran battaient, elles brassaient l’air et faisaient remonter vers moi les odeurs de la nuit de printemps. Je me sentais tellement bien. J’ai fermé les yeux , ouvert les bras et inspiré profondément les senteurs veloutées. Chaque partie de ma peau vibrait sous les caresses du vent. J’ai sentis un immense sourire s'étirer lentement sur mon visage.

 Un souffle tiède est venu se poser sur ma joue et a murmuré délicatement mon prénom. « Nicolas, réveille-toi ; c'est le grand jour. Papa t'emmène participer au choix du char ! »

 Le char, les étoiles, la vallée…. D'un bond, Je mesuis levé et me suis précipité vers mes feutres pour dessiner Gontran. Il fallait absolument que je le montre à Papa. Je venais de comprendre que j’avais rêvé mais je me suis dit qu’un hippo bleu serait une idée super pour le char. Je suis descendu à toute vitesse retrouver mes parents à la table du petit-déjeuner.

 Je leur ai tendu mon dessin. Papa l’a pris et l’a regardé avec Maman. Il avait l’air étonné. Il m’a demandé :

- «  C'est un modèle de char ?, Il est magnifique ! » J’étais tout fier d’un seul coup.

- »Tu crois Papa qu'on pourrait le proposer aujourd'hui ? »

 Là, j’ai bien vu que ça allait coincer quand le visage de Papa s’est crispé.

- »Tu sais, Nicolas, tous les projets ont déjà été présentés et étudiés par la commission technique qui votera aujourd'hui pour choisir celui qui sera construit et présenté le jour de la fête. Il est trop tard normalement pour présenter un nouveau projet. »

J’ai senti mon sourire s’envoler et mes épaules tomber. J’étais sacrément déçu. Mais Papa avait raison. Mes yeux ont commencé à me piquer et ça, je n’aime pas, mais pas du tout.

- »Montre-moi à nouveau ton dessin ! », a dit soudain Papa. Je le lui ai tendu, ne pouvant plus retenir mes larmes.

 - »Chérie, j'ai besoin d'un café serré, peux-tu m'en amener un dans mon bureau ? Nicolas, file te brosser les dents, t’habiller et rejoins-moi. Je vais essayer de faire rapidement des plans à partir de ton dessin. Je vais avoir besoin de tes idées et de celles de maman. Dépêchez-vous, nous avons peu de temps si nous voulons essayer de proposer ton projet tout à l'heure ! »

 J’ai sauté au cou de Papa tellement fort qu’on a failli basculer en arrière. Papa et Maman ont éclaté de rire. Ce n’était pas le moment de se casser quelque chose, mais bon, c’était trop chouette ce que venait de me dire mon père.

Je suis monté comme une flèche me brosser les dents. Je crois que je ne les ai jamais lavé aussi sérieusement et rapidement .

Publicité
Publicité
Commentaires
Gustave Bidouille
  • Je m'appelle Gustave. Je vis au pays des arbres ensoleillés. Eternel rêveur, j'aime me laisser bercer par la nature et ses merveilles. Violette est une petite fille que j'ai rencontrée une nuit au creux d'un de ses rêves. Lucie est une fée, un peu chipie.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité